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Au coeur de Fragments
4 septembre 2006

Fin du chapitre II

Et voilà ceci clôt donc le chapitre 2, dont vous trouverez le début ici.



Les formes de l’explorateur se détachent nettement sur la colline, acérées et luisantes. Je suis en nage. La montée s’est révélée plus épuisante que prévu et les hautes herbes que j’ai découvertes à mon arrivée n’ont fait qu’empirer les choses. J’admire d’autant plus Noam qui continue de gambader devant moi, comme insensible à des choses aussi terre à terre que la fatigue. Je l’ai choisi comme guide, seul au lever du jour, afin de m’épargner des adieux interminables. Ainsi la boucle est bouclée. Nous sommes tous deux sur le sommet arrondi et contemplons mon vaisseau. Les arbres qui le retenaient ont été abattus pendant mon séjour. Encore une preuve du sens de leur profond sens de l’accueil. Je m’assois un peu pour reprendre mon souffle. En contrebas, je peux voir la forêt et cette montagne solitaire qui a gardé tout son mystère. Non pas qu’elle soit sacrée ou interdite. L’escalade en est simplement dangereuse et sans utilité, le mieux reste encore de l’admirer de loin, comme je le fais maintenant. Ce tableau résume toute l’essence de la vie ici, une existence hors des futilités du monde, sereine. Mais définitivement coupée de la marche de l’Histoire.

Je ne sais pas trop comment me séparer de Noam. Je crois que j’ai trop évité ce garçon suite à ma conversation concernant son père. La peur de se trahir, involontairement. Il observe mon appareil d’un œil curieux. J’ai presque eu l’impression que sa mère flirtait pendant mon séjour, mais une autre personne a bien davantage besoin de moi. Une prisonnière, perdue quelque part dans ce labyrinthe dont je n’ai même pas franchi le seuil. Je me sens coupable d’avoir passé ces quelques jours ici, même si je sais qu’ils m’ont appris des choses essentielles.

« Où vas-tu aller, Louis ?
—Probablement au fort, Noam. Vous n’étiez pas sur la route des gens que je cherche. Je vais devoir prendre un autre chemin, je suppose.
—D’autres pilotes viendront ?
—Je ne sais pas. Je ne peux pas savoir… » Je préfère éviter un mensonge facile et ingrat. Une idée me vient à l’esprit, je vais lui offrir un de mes autres foulards, presque du même rouge que le mien. Cela lui fera un excellent souvenir. Je lui demande de m’attendre et pars chercher le futur cadeau. A mon retour je le trouve assis en tailleur l’air un peu soucieux. Je lui montre le foulard et entreprends de le nouer autour de ses cheveux. C’est alors qu’il me glisse quelque chose dans la main. J’hésite à terminer mon geste. Noam s’empare du bout de tissu et l’attache à son avant bras en souriant, cela me suffit. Je me sens vide tandis que je le vois s’éloigner, sans même me dire au revoir. Je lui hurle de ne pas s’approcher lors du décollage. Mes cris se perdent dans la vallée. J’ouvre ma main et y trouve un petit rouleau de papier.

Le cockpit sent un peu le renfermé. En claquant la porte derrière moi, je quitte pour longtemps l’atmosphère pure de la montagne Daendre. Je me laisse tomber dans le siège et regarde ce ciel paisible. Je suis parti comme un voleur, et pourtant je sais qu’ils comprendront. Il est temps de prendre connaissance du message, avant mon départ. L’écriture est fine mais bien lisible.

« Personne n’a pu me certifier ce que je vais vous dire, mais je crois qu’il vaut mieux que vous en preniez connaissance. Si vous pensez toujours que les navettes sont visibles lors de leurs trajets, sachez que ceci est faux. Cela ne nous concernait pas, c’est pourquoi je ne vous en ai rien dit sur l’instant. Selon certains des anciens pilotes, l’endroit où vous comptez vous rendre n’obéit pas aux mêmes lois que celle que vous devez connaître. N’oubliez pas : l’Ether ne sera jamais votre ami. »

Le souvenir de mon arrivée tumultueuse surgit dans mon esprit. Je préfère ne pas y songer, ce genre d’idées vous emmène droit vers des pensées désagréables. Trop désagréables. Je vais filer à Fort Venox, voilà ce que je vais faire. Décrire un peu au personnel leur voisins qu’ils ne connaissent même pas, et tenter de leur soutirer encore une ou deux informations intéressantes. Et puis… il faudra prendre une autre route. J’allume les instruments et retrouve mon ébauche de carte. Je le compléterai au retour, si j’en ai le temps. Les turbines s’enclenchent, elles doivent ravager le sol tout autour de moi dans un terrible grondement.

Ce sera la seule cicatrice que je laisserai ici, du moins je l’espère.

Fin du chapitre II.

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