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Au coeur de Fragments
19 octobre 2006

Chapitre IV (2)

Louis Iranegra sentait la main fraîche qui tenait la sienne. La fin du rêve n’avait pas d’importance, car elle changeait au gré de son humeur, du climat, de la compagnie. Adarshini le veillait toujours, avec une patience sans cesse renouvelée. La jeune femme à la peau mate se fondait dans l’ombre de la chambre. Il admirait sa longue chevelure soyeuse, son visage si rassurant. Son regard s’attarda sur la naissance de ses seins. C’était un rituel plaisant et un rien honteux qu’il s’accordait au réveil. Il ne savait pas réellement si elle s’en rendait compte ou si elle n’y voyait rien à redire. Depuis son arrivée, elle tenait à être là pour son réveil, attendant que se dissipent ses peurs et ses souvenirs épars. S’il avait trouvé cette présence réconfortante et agréable, un doute amer le tenaillait depuis quelques jours.

Il se sentait un peu triste à la voir le cajoler ainsi quand il se sentait mal. D’imaginer ces yeux l’observant avec pitié. D’être aimé comme on aime une bête malade et souffrante. Cette sensation ruinait le plaisir qu’il avait prenait à la retrouver tous les matins. En vérité, cela ne lui convenait pas, malgré le confort apparent de la situation. Même en y songeant, il ne parvenait toujours pas à trouver une manière élégante de se sortir de ce piège. Toute réaction lui semblait stupidement blessante.

« Je vais faire un tour dans la palmeraie, Adarshini. »
—N’oublie pas de revenir à temps pour le déjeuner.

Elle lui lâcha la main presque à contrecoeur et quitta les lieux à petits pas. Louis admira une dernière fois sa silhouette et ferma les yeux. La pièce devenait plus commune, moins vivante quand elle la quittait. Réellement. Il se leva et s’habilla en vitesse, avant de s’asseoir sur le lit. Il passait de longues heures à dormir, assommé par la chaleur qui invitait à la nonchalance. La porte en feutre laissait déjà filtrer la vive lueur du jour. Il avait juste le temps d’une courte ballade, avant que la température ne devienne trop incommodante. Le sable encore tiède crissa sous ses pas tandis qu’il se dirigeait vers l’ombre accueillante des palmiers.

Il se retrouva vite à l’endroit habituel. Quelque part il sentait que ce n’était pas positif de ressasser les mêmes choses. De tourner en rond. Si on lui demandait il n’aurait qu’à dire que ses pas l’avaient menés ici, sans autre forme d’explication. Et s’il faisait un effort il finirait peut-être tout aussi bien par s’en persuader lui-même. Dans certaines zones, se recueillir auprès des morts constituait un rituel important. Mais que dire d’un homme venant sans cesse observer le cadavre d’une machine ? On l’avait dissimulée sous des branches et des feuilles sèches, et il ne restait de l’explorateur qu’un curieux monticule végétal. Louis s’agenouilla près du sable et ne pu s’empêcher de regarder les orifices qui transperçait l’arrière de l’engin. L’odeur âcre mais envoûtante du carburant disparaissait doucement au fil des jours. A présent il ne la sentait plus qu’en creusant le sol. La première fois qu’il avait réellement repris conscience depuis son arrivée il était parti à la recherche de toutes sortes de solutions désespérées. Jusqu’à imaginer de récupérer le précieux liquide qui avait imbibé le sable. En vain bien entendu. A présent il ne faisait plus que se recueillir, prendre le temps de réfléchir.

« Difficile à te voir de comprendre si tu souhaites partir ou tu te réjouis de rester » Sapan le fixait sans s’approcher. Il portait cet accoutrement qui paraissait si étrange à louis, destiné à voyager à l’abri du vent, de la chaleur et de la poussière. « J’ai peur que tu ne causes de la peine à ma sœur, Louis. Elle pensait pouvoir guérir rapidement tes blessures, mais à dire vrai tu souffres d’autre chose contre laquelle elle se sent impuissante. »
—Je ne devrais pas revenir à cet endroit, répondit-il d’un ton las. Mais j’ai peur de faire un mauvais rêve, de vouloir rester par découragement. Je dois venir ici pour bien réaliser, m’assurer de ce qui m’est arrivé.
—Peur d’avoir envie de rester ? Je ne te comprends pas. Mais il est encore tôt pour que nous comprenions. » Sapan s’était rapproché, et observait l’engin à ses côtés. Il s’empara d’une grande feuille tombée à terre et la replaça sur les autres.

« Nous l’avons bien caché, comme tu nous l’avais dit. Mais maintenant, tu ferais peut-être bien de l’oublier, toi aussi. Sinon tu deviendras aveugle à ce qui t’entoure. » Louis ne savait pas quoi répondre au jeune homme. Rencontrer ces personnes si accueillantes avait été une bénédiction, il en était certain. Mais leur sollicitude l’irritait, tant elle mettait à nu toutes ses propres contradictions. Une sensation qui l’emplissait de honte.

« J’aurais bientôt des nouvelles pour toi. J’espère qu’elles te feront changer d’attitude. » Sapan venait de lui parler d’un ton bien plus grave. Il lui décocha un sourire complice pour le laisser à nouveau à sa solitude.

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