In Tenebris : le départ
In Tenebris présente la face "obscure" du monde de Fragments, celle d'un monde qui a régressé. Mais il s'insère malgré tout dans l'intrigue principale. Le personnage principale en est Louis Iranegra, un ex-pilote qui cherche à refaire sa vie. Ce qui l'entraînera malgré lui dans la ceinture Obscure, à la rencontre de toute une population oubliée du progrés.
On me tire de ma rêverie. Une
main puissante, qui m’extrait rudement de mon fauteuil. J’entrouvre les yeux et
j’aperçois le genre de visage que je ne souhaite pas apercevoir. J’inhale une
nouvelle bouffée de vapeur bleutée, une dernière. Son arôme sucré envahit ma
bouche, se colle à toutes les parois sur son passage, avant de s’éteindre. Je
me souviens soudainement d’une sorte de cigarette, essayée furtivement il y a
longtemps. Ca vous arrachait la gorge avant de faire le moindre effet. On a en
a fait du progrès depuis.
L’homme fait éclater ma bulle. C’est le moment où je
réalise que j’étais bien, plongé dans un rêve agréable. Etrange, tout de même.
On le sait toujours après coup, qu’on vivait un moment agréable, et jamais
pendant. Il devait y avoir des lieux poétiques, des créatures sublimes. Le
genre de filles qu’on ne peut qu’imaginer, en s’aidant de vapeur bleutée si
nécessaire. Je sens comme l’effet d’une douche froide. Je devrais avoir la
trouille, vu qui me tire de là, mais non, je me sens stupidement énervé. Un si
beau rêve, on me le brise. Je paye assez cher pour avoir le droit d’en sortir
moi-même, à petits pas. Mais ce ne sera pas pour ce soir, une deuxième personne
me saisit par la taille et m’emmène brutalement dehors.
Si je ferme les yeux, je retrouve un moment des morceaux
de rêves, des images fugitives. J’essaye de ne pas penser. Penser serait
revenir au présent, songer au futur sans ne pouvoir y faire grand-chose, alors
je préfère éviter. Mais les oreilles, elles ne peuvent pas mentir. Les accents
du neo, ou retro jazz oriental – comment savoir ? Il n’y a plus vraiment de nom
pour ça – se sont évanouis. J’entends juste le bruit irritant d’une grande
artère. Les pas, les paroles, je n’ai pas envie de les entendre, de les comprendre.
Résultat, chacun me fait l’effet d’un léger coup sur mon crâne, c’est une
bataille perdue d’avance, je le sais. On ne peut pas gagner, quand deux
molosses viennent vous arracher à un rêve artificiel.
On me projette rudement sur une banquette. J’aperçois
fugitivement une longue silhouette, un engin puissant pour des gens qui ne le
sont pas moins. Je soupire. Après tout j’ai le droit de faire mon numéro du
gars paumé et complètement assommé. Je m’écroule sans un regard pour les deux
baraqués. Un claquement, et nous voilà partis dans un léger feulement. Quelque
chose en moi me dit que je devrais commencer à m’intéresser à la situation.
Trop tard, pour le coup je suis réellement hors d’état.
Soudain je sens un contact froid sur mon bras, une piqûre
fugitive. Je grogne, je crois. Puis je comprends ce que ça signifie. Un
overdrive, pour me tirer de la drogue. Mes yeux croisent celui de la brute. Oui
je le connais, et je vois un sourire se former sur son visage. Il sait ce que
je vais vivre.
La sensation de tremper ses membres dans de l’eau trop
froide. On gémit un peu, avant de les enfoncer un peu plus, sous contrôle. Mais
là non, l’eau monte, glaciale à vous donner une sensation de brûlure, elle
irradie mes membres et progresse sans que je puisse faire quoi que soit. Que
faire, d’ailleurs, ce foutu truc est en moi, ce n’est pas du liquide ou je ne
sais quelle sensation extérieure, ce truc progresse et se dilue dans mon sang.
Et parvient à ma tête. Ma vision se brouille, et je me sens tiré, poussé violemment
du fil de mes pensées. Une douleur sourde m’envahit, rebondit avec application
entre les replis de mon cortex, se faufile entre mes sinus en m’arrachant des
larmes. Et tout redevient net. Ma bouche est encore un peu pâteuse mais j’y
vois à nouveau parfaitement, j’entends la voiture glisser à toute allure, et
mes rêves sucrés sont bien évanouis. La brute me dévisage, elle s’appelle Mike,
je m’en souviens à présent.
"Heureux de vous voir de retour parmi nous, Louis"
A suivre dans In Tenebris : introduction