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Au coeur de Fragments
6 octobre 2006

Chapitre III (10)

héhé un gros morceau pour me faire pardonner ^^


 

J’attends, pelotonné au mieux contre les roches qui bordent le repaire. Quelque chose en moi me dit qu’une occasion va surgir et j’attend, tendu et prêt à bondir sur l’opportunité quelle qu’elle soit. La sentinelle qui m’a tiré dessus va bientôt les alerter de ma présence au-dehors, la suite je ne peux que l’imaginer. Soudain l’un d’entre eux donne l’ordre de faire silence. Sa voix puissante et claire me parvient malgré le souffle du vent. Il se tient debout au centre du groupe, une femme –dame Sylvie ?- à ses côtés.

« Il ne peut pas fuir sans laisser de traces. Le premier groupe ira avec moi le long de la piste, c’est sa seule possibilité de fuir sans laisser ses propres marques. Les autres, vous me retournez cet endroit, et proprement ! »

Aussitôt, je les vois se disperser et rentrer dans les cavernes tandis que cet, homme, un commandant probablement, emmène ses hommes le long du chemin menant aux colonnes et à leur vaisseau. L’occasion devient très nette dans mon esprit, aussi insensée qu’elle puisse être. Je vais me rendre au dernier endroit où ils me chercheront : dans le dos des rabatteurs. Chaque instant passé ici accroit mes chances d’être aperçu par l’un d’entre eux. J’observe avec une patience mise à rude épreuve le groupe s’éloigner dans la tempête. Je ne peux pas courir le risque qu’un retardataire m’aperçoive. Les secondes s’écoulent, interminables. Enfin l’esplanade me paraît vide. Je m’élance hors de ma cachette, les jambes raidies par le froid et ma chute Ces premières foulées me semblent terriblement lourdes – bons sang, je tiens vraiment à me faire attraper comme un looser ? – mais je tiens bon. Je scrute les minces silhouettes qui avancent devant moi, prêt à bondir au sol au cas où l’un d’entre eux aurait la mauvaise idée de se retourner. Au bout de quelques minutes, les falaises ne sont plus que des formes sombres et floues derrière le fin voile de neige. Mon stratagème semble fonctionner.

Le frisson du danger et de l’audace me traverse tandis que je continue à suivre mes poursuivants. Cette impression d’être sur le fil du rasoir, de dominer la situation par une ruse si risquée. J’en arrive à réaliser que j’ai bien réussi à me mettre à leur suite, sans vraiment songer à comment agir au moment de regagner mon appareil. Pris d’une angoisse subite, je sors mon récepteur et le tapote nerveusement en attendant que l’écran s’allume. Un coup d’œil aux ravisseurs. Leurs formes sont encore visibles dans la brume. Un « ping » sonore retentit quand mon récepteur capture le signal. Je me fige. Rien ne se passe, les autres continuent leur chemin comme si de rien n’était. L’écran luit faiblement dans cette lumière tamisée, mais j’y voit suffisement pour constater que tout va bien. Avec ce guide et la tempête pour dissimuler mon explorateur j’ai encore toutes mes chances d’échapper à ce nid de frelons. J’accélère l’allure pour ne pas me faire distancer. Je ne sais toujours pas comment quitter en beauté les rabatteurs. Une fois parvenus au bout de la piste ils réaliseront leur erreur. Et je ne pourrai pas leur faire le plaisir d’en tracer une spécialement pour eux…

Ce problème ressurgit en même temps que les formes inquiétantes mais connues des colonnes. Le groupe de rabatteur a rapidement inspecté son propre appareil et jugé que je l’avais contourné. Ce que je fais en pratique, tout en gardant une certaine distance de peur d’une mauvaise surprise quelconque. Les arches de pierre noires projettent leur ombre sur la neige assoupie, toujours privée de vent. Je réalise réellement leur taille en apercevant les silhouettes des bandits à proximité. Ils semblent progresser bien moins vite à présent, et doivent scruter la moindre cachette. Je ne peux pas rester à découvert, je dois me trouver dans ce chaos architectural quand il leur viendra à l’idée de rebrousser chemin. Je me précipite un peu trop vite en direction des piliers les plus proches. Soudain la rumeur de la tempête laisse place au calme étrange de l’endroit. Peu importe, je suis déjà contre l’une des colonnes, hors de vue. Je respire à pleins poumons l’air glacial, au comble du soulagement. C’est alors que je me rends compte de mon erreur.

Ils ne feront pas demi-tour. J’ai laissé ma propre piste, un chemin menant directement à ma navette. Je n’ai plus un instant à perdre. Je tente de prendre les rabatteurs de vitesse sans me faire remarquer. Je n’ai qu’à me faufiler entre les piliers, sans croiser leurs regards. Tâche plus ardue qu’il n’y paraît. Les vents ont déposé à l’extérieur de cette grande nef inachevée des quantités impressionnantes de neiges dans un désordre décourageant. Je dois user mes maigres forces à gravir et contourner toutes sortes de congères et de bosses plus ou moins friables. J’ai bien entendu perdu de vue le groupe lancé à ma poursuite. J’avance à vrai dire, poussé par l’aiguillon de la menace planant sur mon vaisseau, bien plus que par la crainte d’être moi-même pris en chasse.

Cruelle erreur. L’un des grands piliers brille par son absence. Nous nous apercevons en même temps au travers de cette trouée. Sans prendre le temps de crier quoi que ce soit, les ravisseurs font feu. Je cours comme un dératé sous le tonnerre de détonations. Les colonnes suivantes m’offrent leur abri pour un court instant, mais la peur secoue toutes mes pensées. Une arme. J’ai besoin d’une arme, de faire croire que j’ai une arme. Je dois bien avoir quelque chose pour faire une putain d’arme. Je lance mon sac contre un monticule de neige et le fouille frénétiquement des mains emmitouflées. La solution se tient dans mes paumes tremblantes d’excitation. Un pistolet de détresse. Je prends une pleine poignée de mini-fusées et enfile mes affaires à tout allure. Je charge l’engin brutalement, sans prendre la peine de regarder devant moi. Une nouveau coup de feu retentit, ils ont du m’apercevoir l’espace d’un instant. Mais j’ai de quoi riposter.

La suite me semble durer une éternité. Une de ces étranges colonnes a donné naissance à un véritable mur de neige, me privant d’issue. Alors que je tente de le contourner surgissent mes poursuivants. Je les vois épauler leurs armes et je n’hésite pas. La fusée part dans un cri strident dans leur direction. Sa grande trace rouge file en tourbillonnant avant d’éclater en une gerbe de lumière tout près d’eux. La surprise les fait presque tous tomber au sol. J’exulte un court instant et tente de prendre la fuite. Mais leur chef – du moins je le pense – pointe un fusil de belle taille dans ma direction. Je n’ai que le temps d’entendre un bruit sourd. Puis l’air se déchire et tout n’est plus neige enragée. Le temps d’entendre un sinistre craquement – ou de le croire tant tous les sont me paraissent irréels – la marée blanche se transforme en voile noir. C’est terminé.

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