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Au coeur de Fragments
1 octobre 2006

Chapitre III (9)

Je me fige comme un enfant surpris en train de fauter. Il faudrait continuer, bien au contraire, mais comment faire une fois à l’intérieur ? Je me retourne et découvre l’homme qui m’a surpris. Il attend, fermement campé au milieu du corridor, déjà tout équipé pour une sortie à l’extérieur. La lueur de l’abri se reflète dans les lunettes qui lui barrent le visage. Je me recule et laisse la porte se refermer avant de me diriger vers lui d’un air nonchalant. Il n’a pas d’arme. Arrivé à quelques mètres il me fait signe d’arrêter, j’en profite pour charger tête baissée et le bousculer d’un coup d’épaule. Le ravisseur pousse un grognement de surprise en me recevant de plein fouet. Je ne prends même pas la peine de regarder derrière-moi et me mets à détaler dans le couloir sous une bordée d’injures. Arrivé presque hors de vue, je constate qu’il s’est précipité dans l’abri. L’alerte va être donnée.

Le réseau de cavernes résonne de l’écho de dizaines de pas. J’ai du me tromper car je ne reconnais plus les lieux que j’avais parcouru si lentement à l’aller. Je n’ai trouvé aucune issue, aucun passage utilisable pour me cacher, au point que je soupçonne les occupants des lieux de les avoir condamnés. Je cours presque à l’aveuglette, allumant mon projecteur par intermittence. Les brefs flashs de lumière me dévoilent des obstacles que j’évite au jugé. Soudain le sol se fait glissant et je manque de tomber à la renverse. La pierre est devenue luisante, j’en découvre vite la raison. De l’eau suinte le long des parois et ruisselle silencieusement vers les profondeurs. Je prends le risque de continuer à vive allure.

 

Les parois se resserrent insensiblement et me donnent l’impression d’être tombé dans un piège. Mes éclairs de lumière fugitifs révèlent des formes inquiétantes, macabres. Simples sculptures, ou ? Tout ici a la même apparence sombre et granuleuse. Je cours, aussi loin que possible de ces murs dans lesquels je devine des crânes et d’autres ossements. Certains sont tombés au sol et je dois me rendre à l’évidence, il ne s’agit pas de sculptures. Je ne souhaite m’attarder en si bonne compagnie et continue à toute allure. Soudain le sol se dérobe sous mes pas. Je me rattrape in extremis et en comprends la raison : je viens de déboucher dans une salle plus grande. Un autre ossuaire, ou les restes humains ont été laissés pêle-mêle contre les murs. Et surtout, de la lumière. Je me précipite vers la source des quelques rayons qui percent les ténèbres de l’endroit. Le chemin m’a l’air escarpé mais praticable par un individu déterminé, à plus forte raison s’il est poursuivi. J’allume une dernière fois mon projecteur et l’abandonne dans les profondeurs. Mon épaisse combinaison me permet de ramper sur la roche escarpée sans trop de mal. Je sens un souffle d’air froid provenir d’en haut. En m’arc-boutant presque à limite de mes forces je parviens à progresser peu à peu. Après un passage étroit, j’aperçois les premières traces de neige. Je remonte difficilement mes jambes qui pendent le vide et arrive enfin sur une pente plus douce. Je me retrouve dans un entonnoir naturel. Dehors. Au prix d’un dernier effort, je me hisse totalement hors des grottes et me retrouve sur un petit plateau enneigé.

Je m’assois pour récupérer tout en observant les alentours. Je ne vois pas de réelle issue. Je me retrouve à une dizaine de mètres de hauteur, pris entre ces cavernes qui grouillent de gens à ma recherche et la tempête au-dehors. Je me mets à scruter frénétiquement le sol tout autour de mon abri précaire. Une congère s’est formée contre l’un des rochers qui bordent la falaise. La neige semble fraîche mais je n’ose pas trop me lancer. Des cris me parviennent depuis le sous-sol, de plus en plus proches. Un dernier tour d’inspection ne me révèle aucune autre solution. Je m’élance, les yeux rivés sur les roches sombres qui affleurent de la neige. Sa masse blanche se soulève brutalement à mon arrivée et je crains un instant de finir englouti. Aucune douleur ne vient, à mon grand soulagement, comme si le danger et la course avaient étouffé mes sensations. Je m’extrais plutôt piteusement de mon matelas de fortune et me laisse tomber sur sol. Autour de moi le ciel a pris une couleur gris clair, toujours agité par la tempête.

Alors que je me lève, une voix me parvient de plus haut. Je distingue une silhouette sur l’un des rebords qui jalonnent la falaise. Elle tente de s’adresser à moi. Sans attendre, je file me mettre hors de sa vue. Une courte série de détonations confirme mon inquiétude. L’homme continue à tirer au jugé pendant quelques instants alors que je suis déjà hors d’atteinte. Je crois reconnaître le lieu de mon arrivée. Rapidement, des traces de pas confirment mon intuition. Elles se rejoignent devant l’entrée du repaire. Mais je ne peux pas emprunter si simplement le chemin du retour. Tout un groupe de personnes en armes attend sur l’esplanade qui borde les cavernes. La poursuite ne fait que commencer.

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